vendredi 16 janvier 2009

Grand Canyon















Il y a des paysages qui ne vous émeuvent pas.
Ils ont beau se plier en quatre, s’élargir à l’infini, se crevasser à en crever, rien n’y fait.

Vous faites le vide ; les paupières closes, vous inspirez lentement l’air pur des hautes cimes que seul viens troubler le pet de l’écureuil facétieux. Rien. Pas la moindre palpitation ventriculaire. Seul votre estomac vous rappelle qu’il est déjà 12h30.

C’est énervant de ne pas être touché devant tant de beauté.
D’autant plus quand vous êtes cerné d’une armée cosmopolite à téléobjectifs qui ne cesse de s’esbaudir dans toutes les langues devant cette nature grandiose qui est si belle et les couleurs, t’as vu les couleurs. Clic.

Et bien le Grand Canyon ça m’a fat ça. Trop attendu peut être ? Ou alors c’est qu’on en a vu tellement de ces photos d’hélicoptère avec coucher de soleil panoramique que quand on y est tout bêtement pour ainsi dire, on le trouve un peu fade.

Ainsi, je m’apprêtais à fondre en larmes quand, soudain, une affolante japonaise perchée sur d’improbables talons hauts, sans doute alertée par ma triste mine et me voyant regarder le vide immense sans glousser frénétiquement comme il est de coutume sur ces hauts plateaux, cette japonaise donc disais-je qui c’était mis en tête que j’allais commettre l’irréparable dans les secondes prochaines, n’écoutant que sa bonté, elle qui n’avait pas un cœur de géologue et sans doute parce qu’elle ne trouva pas de meilleur moyen pour me convaincre que la vie était belle et que c’était pas si grave d’être indifférent à un paysage de temps en temps, m’embrassa d’un baiser passionné et violent.

On rejouait la scène d’un drame lointain, ou la femme du pilote, frigorifiée sous les lumières crues du tarmac, étreint de toute son âme l’homme qu’elle aime espérant, dans une ultime et dérisoire tentative, lui faire préférer les chaleurs du foyer aux flammes du sacrifice. Je m’évanouis.

A mon réveil elle était déjà dans son car. Elle me regardais en souriant, amusée de son dernier exploit mais pas tout à fait rassurer sur mon cas. Cela allait-il suffire ? J’aurai bien répondu que non mais il était trop tard, le car s’ébroua et bientôt disparu.

Seul à nouveau je regardai les crevasses terribles et d’un coup, sous l’impulsion de la partie de moi que je croyait éteinte, l’ascenseur se mis en route pour apporter silencieusement du fond de mon ventre deux petites larmes au dernier étage.
Ahh les japonaises…

1 commentaire:

  1. Même pas un nom ou un numéro de téléphone griffonné vite fait sur une petite culotte usagée et lancée dans le vide ?

    RépondreSupprimer